Nieuwsbrief

La Lettre du Temps Retrouvé

Mars 2024

Jardin de Piet Oudolf – A garden in West Cork by Piet Oudolf (photo copyright Irish times)

Pour célébrer la venue du Printemps encore des romans dont le nouveau Jean-Paul Dubois et le dernier livre de Sophie Divry et beaucoup de nouveaux essais sur des sujets très divers : Lydie Salvayre, avec beaucoup d’esprit fait l’éloge de l’oisiveté, François Rivière, le spécialiste du polar, nous dit ses préférences pour les grandes autrices du genre, d’Agatha Christie à PD James, un livre de réflexions sur l’intelligence artificielle, un livre passionnant sur la beauté des mathématiques et enfin un indispensable livre de témoignages sur le sort des femmes emprisonnées en Iran.
Coté BD, deux albums, l’un sur l’histoire du Larzac et le long combat des agriculteurs contre la tentative de militarisation du plateau du Larzac et, à lire ou relire, La Dernière reine, un roman graphique de Jean-Marc Rochette. Paru en 2022, il vient d’être traduit en néerlandais.
Bonne lecture !

ROMANS

L’origine des larmes, Jean-Paul Dubois    

Editions de l’Olivier
Date de parution : 15 mars 2024
ISBN : 9782823620795, 256 pages, 24.15€  

« Depuis des mois, je me demande pourquoi je respecte les règles de ce jeu impudique qui au prétexte de « soins » ouvre tous les placards de ma vie. En réalité c’est moi qui dévoile ces penderies, qui accepte cette inspection. Sans doute parce que j’éprouve le besoin de m’expliquer, de démontrer la légitimité, la proportionnalité de mon geste. C’est peut-être aussi ma façon de traduire Lanski en justice. » p. 100

Enfin ! Enfin le nouveau roman de Jean-Paul Dubois ! Nous l’attendions depuis l’obtention du Goncourt, en 2019, pour Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. Et l’attente n’est pas déçue ! Dès le très beau titre, le lecteur est à la fois touché et intrigué. Il s’agit d’un roman sombre, dont le thème est noir, mais le style lumineux. Bien-sûr, comme toujours chez Dubois, le personnage principal s’appelle Paul ; bien-sûr, c’est un anti-héros, un homme seul, triste, qui a trop souffert. Paul a tiré deux balles sur son père… qui était déjà mort ! Que ce ne soit pas un véritable meurtre n’empêche pas la condamnation : il doit se soumettre, pendant un an, à une thérapie. Dans ce récit à la première personne, le lecteur suit donc les pensées de Paul et, surtout, les entretiens avec le psychiatre. Dehors, il pleut sans cesse, dans la vie de Paul, les raisons de verser des larmes s’accumulent, et son psychiatre est atteint d’une maladie qui le fait larmoyer ! C’est ainsi que l’on découvre l’histoire de Paul et celle de son incroyable père, manifestement digne de la haine que lui voue son fils. Les amateurs seront ravis de retrouver les thèmes chers à l’auteur, comme la solitude, les relations familiales, les maisons qui ont une âme, les belles voitures, les chiens, le Sud-Ouest, le Canada, la Suède, mais aussi le regard porté sur le monde, lucide et mélancolique, teinté d’humour noir, dans un style doux, précis, qui captive le lecteur dès les premières lignes. Pour ceux qui découvriront Jean Paul Dubois, c’est une belle entrée dans son œuvre !

Véronique Fouminet 

Les cycles de la révolte, Brina Svit

Gallimard, Collection Blanche
Date de parution : 1er février 2024
ISBN :  9782073037428,

« Je parle de l’esprit de la révolte qui se renouvelle, qui s’affirme, qui ne lâche rien… C’est inédit. Inédit qu’une société civile se mobilise de cette façon et depuis si longtemps. Qu’elle devienne un vrai acteur politique, en restant en dehors de tout parti politique. Qu’elle ne soit pas là juste pour dire «non», mais aussi pour dire «oui», c’est à dire faire des propositions concrètes. » p.136

Nous sommes en pleine période de pandémie. Deux sœurs, la cinquantaine; l’une habite Ljubljana, l’autre vit à Paris. Nastia, la « Parisienne », est abandonnée par l’homme de sa vie. La rupture est brutale. Il est tombé amoureux d’une autre, plus jeune, il ne l’aime plus. Nastia fuit Paris et retourne à Ljubljana, sa ville natale. Pour ne pas habiter chez sa sœur et éviter de réveiller de vieux conflits, elle loue un appartement qu’elle est amenée à partager, de façon imprévue, avec Tobias, un jeune journaliste belge. Il est à Ljubljana pour couvrir, pour son journal, les manifestations organisées par un large mouvement de protestation contre la dérive autoritaire du gouvernement. Afin de contourner l’interdiction de rassemblement en raison de la pandémie, plusieurs milliers de manifestants sillonnent la ville à vélo. La Ljubljana socialiste et yougoslave de l’enfance de Nastia est bien différente de celle, slovène, d’aujourd’hui. Ces deux rencontres, l’une avec une ville qu’elle ne reconnait plus et l’autre avec le jeune journaliste, vont changer sa vie. Un joli roman sur fond de politique contemporaine, original et bien écrit.

Pierre-Pascal Bruneau